Le 14 juin 2019, lors de la cérémonie
d’inauguration du Centre d’imagerie médicale de l’Hôpital Central de Camp
Kokolo et de la remise d’un important lot de produits pharmaceutiques à cette
même institution médicale, le Chef d’Etat-Major et Général des Forces Armées Congolaises
(FARDC) a annoncé le principe de la
gratuité des soins dans cet hôpital pour les militaires et les membres de leur
famille. Cette décision qui émane directement de la Présidence de la République,
rentre dans le cadre du programme d’urgence des 100 premiers jours du Chef de
l’Etat.
Cette annonce consacre le lancement
officiel d’une politique de gratuité des soins de santé en République
démocratique du Congo, à tout le moins pour les militaires des FARDC. Ainsi, dans le cadre d’une réflexion sur
la couverture sanitaire universelle en République démocratique du Congo et pour
la promotion de toute initiative du même ordre, il y a lieu de se demander si
la politique de gratuité ainsi lancée constitue une opportunité ou comporte plutôt
un risque dans la volonté de mise en place d’une couverture soins de santé universelle
pour les Congolais :
Les politiques de gratuité en matière de
soins de santé visent à introduire une exemption de payement des frais liés aux
soins de santé pour un groupe de la population bien défini, souvent celui
considéré comme étant le plus vulnérable et le plus pauvre.
Et pour une mise en œuvre efficace d’une
telle politique, il faudrait notamment :
*Mobiliser
des ressources humaines et financières,
*Garantir
une bonne gouvernance des ressources ainsi mobilisées, et
*Assurer
une disponibilité effective des soins au bénéfice du groupe cible.
Les politiques de gratuité répondent en
général à deux objectifs majeurs :
2) L’amélioration de la protection financière des usagers de santé et de leurs proches.
Or, ces deux objectifs se retrouvent également
parmi ceux poursuivis par la couverture de santé universelle. Ainsi, nous
pouvons affirmer qu’une politique de gratuité de manière générale, représente une
opportunité de progrès social pour autant qu’elle soit la première étape d’une
politique globale de couverture sanitaire universelle. Ce type de politiques
pourrait être vu comme des projets pilotes permettant d’apporter une réponse
appropriée, mais à courte échelle, aux besoins sanitaires et médicaux d’une
catégorie de la population. Du reste, cette approche n’est pas nouvelle. La
République démocratique du Congo a déjà connu par le passé des politiques de
gratuité pour certaines catégories de la population. Certains d’entre nous se rappelleront
par exemple de la carte « des ayants droits » dont bénéficiaient les
fonctionnaires.
Dans cette optique, en dépit de quelques
zones d’ombre sur le financement et sur le modèle d’assurance maladie
universelle à appliquer pour les autorités, nous espérons que la décision de
prodiguer gratuitement des soins de santé aux militaires et leur famille à l’Hôpital
Central de Camp Kokolo est la première étape d’un processus orienté vers une
couverture sanitaire universelle en République Démocratique du Congo. C’est
pourquoi, nous estimons qu’il convient de soutenir l’initiative présidentielle
dans la mesure où les difficultés économiques, politiques et sociales ne
peuvent être un obstacle ni servir d’alibi à la mise en place des politiques
relatives à la couverture sanitaire. Elles doivent par contre constituer un centre
d’impulsion pour initier des réformes politiques et sociales.
En effet, l’engagement du Brésil dans son
programme dit de « Couverture de Santé Universelle » (CSU) s’est
accentué durant une période de faible croissance économique. De même, la
Thaïlande s’est lancée dans son dispositif de Couverture Universelle en 2001, juste
après la crise financière asiatique alors même que les perspectives de
croissance macroéconomique pour ce pays demeuraient encore fragiles.
En décrétant la gratuité des soins
médicaux à l’Hôpital du camp militaire Kokolo, le Chef de l’Etat n’a fait
qu’appliquer une loi existante depuis des années. En effet, la couverture de
soins de santé des militaires est régie par l’article 134 de la Loi du 15
janvier 2013 portant Statut du militaire des Forces armées de la république
démocratique du Congo qui dispose entre autre que « le Trésor public prend en
charge les soins médicaux, chirurgicaux, obstétricaux, dentaires et
hospitaliers, ainsi que les médicaments et prothèses d’orthopédie nécessités
par l’état de santé de l’officier ou du sous-officier et des membres de sa
famille qui sont pris en compte pour l’octroi de l’allocation familiale. (…) ».
Cependant, l’initiative présidentielle a
non seulement le mérite d’avoir permis l’application de la Loi, mais aussi
celui d’avoir permis la mobilisation des ressources financières nécessaires afin
que ce devoir étatique soit exécuté. En effet, comme nous l’avons signalé plus
haut, la mobilisation des ressources est un élément important pour le lancement
d’une politique de gratuité et par voie de conséquence, pour la couverture
sanitaire universelle. Elle doit toutefois être accompagnée de mesures
particulières d’encadrement et de suivi pour assurer la pérennité du système. A
défaut, la qualité des soins prodigués risque d’être mise en péril ou son
effectivité mis à mal, au cas où le tiers payeur (en l’occurrence l’Etat) ne
respecterait pas ses engagements.
La durabilité de la gratuité des soins
des militaires passera aussi par leur responsabilisation. La décision du Chef
de l’Etat est une action louable qui leur permet de recouvrer un droit bafoué,
celui à l’accès aux soins de santé. Mais, elle ne doit en aucun cas être vue
comme une donation. En effet, l’accès aux soins de santé de qualité est un
droit fondamental ; il doit donc se construire au travers des mécanismes
qui permettent son exercice permanent. Il ne doit donc pas être perçu comme un
privilège accordé au citoyen par l’Etat.
Aussi, la conception et l’implantation
de ces politiques de gratuité doivent se faire en adéquation avec les autres
réformes du financement de la santé dans le pays. En effet, l’absence d’une
vision globale de la réforme de la santé serait une lacune grave qui pourrait
entrainer un gaspillage des ressources engagées. Cela pourrait conduire à une fragmentation
du financement de la santé, à une perturbation de la délivrance des services de
santé, voire même à une augmentation des paiements informels à la charge du
patient pour des services normalement gratuits.
En somme, la politique de gratuité
légale rendue effective le 14 juin 2019 dernier par l’annonce du Chef d’Etat-Major
Général des FARDC peut donc être un moyen efficace d’étendre la couverture
soins de santé dans un contexte où les ressources sont contraintes. Sous
réserve d’être bien conçue et moyennant une mise en œuvre sans faille, cette
politique de gratuité pourra s’inscrire dans une stratégie nationale globale de
financement de la santé et agir comme un catalyseur vers une couverture
sanitaire pour tous les citoyens remplissant certains critères.
Patrick Ndjadi Ombombo
Consultant en Couverture Soins de Santé
et Administrateur Délégué de CRAMU
patndjadi@yahoo.fr
+32473672186(Belgique)
+243994469950(RDC)
Consultant en Couverture Soins de Santé
et Administrateur Délégué de CRAMU
patndjadi@yahoo.fr
+32473672186(Belgique)
+243994469950(RDC)
Nous y arriverons un jour. Il faut déjà que la volonté politique soit présente et bcp de choses pourront démarrer.
RépondreSupprimerExcellent article qui aborde lez défis de la gratuite des soins de santé d'abord chez les militaires et demain peut être à l'ensemble de la population. Espérons que ces annonces du Président ne soient pas uniquement que des opérations de communication.
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